Développer un mouvement pour une bonne alimentation

« Le pouvoir a changé » : la lutte du The Local CCA pour mettre fin à la pauvreté des personnes handicapées

En octobre dernier, le député de Perth-Wellington, John Nater, s’est assis dans la salle à manger du The Local CCA. À ce moment-là, quelque chose a changé. 

Il s’agissait d’un virage vers l’élimination de la pauvreté des personnes handicapées au Canada. 

Quelques semaines auparavant, The Local CCA et son club de justice sociale EPIC avaient organisé un rassemblement devant le bureau du député Nater à Stratford, en Ontario. Le groupe a exhorté le député Nater à appuyer le projet de loi C-22, qui propose une prestation canadienne mensuelle pour les personnes handicapées.

Ils savaient ce qui était en jeu. Environ la moitié des adultes handicapés vivent dans des ménages en situation d’insécurité alimentaire. Et les personnes handicapées sont deux fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les personnes non handicapées. Ce nouvel avantage serait une bouée de sauvetage.

Que s’est-il passé ensuite ? Le député Nater a accepté de rencontrer des membres de la communauté handicapés. Mais The Local CCA et l’EPIC ont décliné son invitation à se rencontrer à son bureau. Ils ont insisté pour qu’il vienne plutôt au CCA. 

Derek Barnes, facilitateur de l’engagement communautaire du The Local CCA, se souvient : « Le pouvoir a été transféré aux membres de la communauté qui partageaient leurs histoires. »

Trois jours plus tard, le député Nater a partagé certaines de ces histoires à la Chambre des communes alors qu’il s’exprimait en faveur du projet de loi C-22. 

Les membres de la communauté ont regardé la session parlementaire en direct au The Local CCA, autour d’un repas partagé. Comme Derek se souvient, ce fut un moment puissant. Les gens ont réalisé qu’ils avaient « un impact direct sur ce qui se passait à la Chambre des communes ».

Le 22 juin 2023, le projet de loi C-22 a été adopté. Il s’agit d’une étape importante vers la réduction de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire chez les personnes handicapées. Et cette étape importante s’est produite parce que des milliers de personnes se sont battues pour cela, comme les militants du The Local CCA et de l’EPIC. 

Pour The Local CCA et EPIC, cette victoire était essentielle mais leur plaidoyer se poursuivra. Comme le déclare Erin Jackson, membre de l’EPIC : « [Le changement social] fait peur à beaucoup de gens. Ils doivent admettre : “ Peut-être que je n’ai pas toujours été la meilleure personne pour quelqu’un qui a été marginalisé. ” Ou “ Peut-être que je n’ai pas toujours admis que je suis handicapé. ”»

Son conseil ? « Renseignez-vous. C’est le moment d’intervenir. »

Tester et investir dans le pouvoir de la nourriture 

Tout a commencé comme un nouveau test. À l’été 2020, le Carrefour Solidaire CCA a piloté un projet qui a transformé une rue de Montréal en jardin urbain.

Premièrement, la rue Dufresne a été fermée à la circulation. Ensuite, le personnel et les bénévoles ont placé 115 pots en tissu le long du trottoir. Les pots contenaient des fruits et des légumes frais, créant un incroyable régal pour bien plus que les yeux.

Le résultat? La rue Dufresne est devenue La Promenade des Saveurs. Chaque année, cette « rue comestible » fournit plus de 500 kg de légumes et de fruits aux habitants.

La rue est dans le quartier Sainte-Marie, où l’accès à la nourriture pose problème. Les dépanneurs proposent très peu de produits frais et faire les courses dans les grandes épiceries coûte cher.

Mais les habitants ont fait plus que simplement adopter le jardin hors sol. Comme l’explique Beccah Frasier, co-directrice exécutive de Carrefour Solidaire CCA : 

« Le projet a vraiment été approprié par les habitants du quartier. Les gens viennent récolter de la nourriture, s’assoient avec leurs amis et pique-niquent. Ils interagissent avec l’espace d’une manière qui transcende le projet initial consistant simplement à installer un jardin dans le rue. »

L’année dernière, le jardin est même devenu un projet à l’année longue. En testant des serres temporaires, le CCA a pu récolter des légumes verts pendant la majeure partie de l’hiver.

Ces tests reflètent l’approche expérimentale du CCA visant à investir dans le pouvoir de l’alimentation. Comme le dit Beccah, leur approche consiste à tester « de nouvelles idées intéressantes ou même des idées anciennes qui méritent d’être réexaminées ». Et avoir le courage et la flexibilité de les tester.

« Cela me rend heureux » : Impliquer les jeunes de la Première Nation d’Eel Ground

C’est presque la dernière session du programme Mind Your Food et la coordinatrice Melissa Simon s’active, préparant la salle pour une soirée pizza avec les jeunes de la région et leurs familles.

Tandis qu’elle prépare les garnitures, Melissa réfléchit à la magie du programme offert par le Natoaganeg CCA dans la Première Nation d’Eel Ground, au Nouveau-Brunswick.

Mind Your Food, développé en partenariat avec Centres communautaires d’alimentation du Canada et géré par sept organisations partenaires à travers le pays, offre aux jeunes la possibilité de cuisiner ensemble, d’acquérir des compétences alimentaires et de pratiquer la pleine conscience. Et ils sont encouragés à suggérer et à façonner les activités. 

Au Natoaganeg CCA, cela signifie que les jeunes peuvent participer aux traditions culturelles mi’kmaq. Melissa s’illumine lorsqu’elle se souvient de ces expériences :

« Cela me rend heureux de les entendre parler de créer leur propre groupe de tambours, de vouloir apprendre à pratiquer les cérémonies de purification par la fumée ou de se renseigner sur les médecines traditionnelles de notre région. »

Ayant grandi dans la communauté et travaillant avec des jeunes pendant des années, Melissa sait à quel point cet engagement est important et comment il aide les jeunes à renforcer leur confiance et à approfondir leurs liens avec leur communauté.

Les jeunes savent que lorsqu’ils viennent au CCA, ils sont entendus, respectés, valorisés et inclus. Et comme Melissa le reflète : « Maintenant, je les vois aussi créer cet espace avec leurs pairs. Ils veillent les uns sur les autres. »

Elle se souvient d’une séance au cours de laquelle les jeunes préparaient une grande quantité de penne Alfredo au poulet et au brocoli. Ils avaient beaucoup de choses à faire, alors ils ont invité des enfants plus jeunes de la communauté à venir partager le repas. Après, il restait encore des restes à rapporter à leurs familles.

« Ils en étaient tellement heureux. Ce sont des petites choses comme ça qu’ils n’oublieront pas. »

Repas significatifs avec de nouveaux amis

Lorsque John* se rend au Mount Paul CCA deux fois par semaine pour le repas communautaire, il se dirige vers sa table habituelle, où quatre nouveaux amis lui réservent toujours une place. 

Après quelques années de solitude, une salle à manger remplie de personnes se connectant autour d’un repas partagé est un spectacle bienvenu.

Au plus fort de la pandémie, l’équipe du Mount Paul CCA était plus occupée que jamais, mais d’une manière très différente qu’auparavant. En tant que l’un des seuls organismes communautaires de Kamloops à rester ouvert, le Mount Paul CCA a été contraint de modifier du jour au lendemain la façon dont il dispensait ses programmes. Les marchés de produits sont devenus des services de livraison d’épicerie. Les repas communautaires se sont transformés en plats à emporter. 

L’année dernière, lorsque les restrictions ont été assouplies, le CCA a pu rétablir les repas en personne. Aujourd’hui, près de 150 personnes viennent à nouveau dîner ensemble, établissant ainsi des liens entre les cultures et les générations.

Comme le reflète Dawn Christie, directrice du Mount Paul CCA :

« L’année dernière a apporté un regain de désir de communauté. Les gens étaient prêts à être socialement connectés et à partager à nouveau leurs expériences. »

C’est à ce moment-là que John, un jeune homme d’une trentaine d’années, a rencontré ses « nounous ». 

Introverti et souffrant d’anxiété sociale, John a commencé à venir au Mount Paul CCA pour son marché hebdomadaire afin d’acheter des produits frais. Là, il découvre les repas communautaires.

Lors de sa première visite, quatre personnes âgées, habituées du repas, ont invité John à rejoindre leur table. Au fil du temps, ils sont devenus de bons amis. John a pris l’habitude d’appeler ces dames ses « nounous ».

Avant de découvrir le Mount Paul CCA, John ne quittait pas beaucoup sa maison. Désormais, il se rend au CCA plusieurs fois par semaine pour récupérer des fruits et légumes pour cuisiner et profiter d’un repas en compagnie de ses amis.

* Ce nom a été modifié pour protéger la vie privée du membre de la communauté.

Des conversations qui comptent : Sommet alimentaire 2022

Chaque jour au Canada, la nourriture suscite la conversation. Au cours d’innombrables repas et tables de dîner, les gens se rassemblent pour partager. 

Dans le secteur de l’alimentation communautaire, cette conversation comporte de nombreux fils conducteurs et des questions connexes. Comment pouvons-nous améliorer nos programmes communautaires? Quelles sont les meilleures façons de faire pression pour le changement ? Et comment pouvons-nous apprendre les uns des autres pour accroître notre impact collectif ?

Ainsi, l’année dernière, nous avons attisé ces conversations. Au cours de deux journées énergisantes en septembre, nous avons réuni nos partenaires de partout au pays. L’occasion? Le premier Sommet alimentaire en personne depuis la pandémie.

Plus de 300 employés des centres alimentaires communautaires et des Organisations pour la bonne nourriture se sont réunis à Toronto. De nombreux sujets étaient sur la table, intégrant les connaissances et les perspectives autochtones. 

On a parlé de décoloniser la lutte contre l’insécurité alimentaire. Ils ont relié la justice climatique à la justice alimentaire. Ils ont parlé de collecter des fonds et de construire des jardins communautaires. Ils ont expliqué comment ils ont transformé les banques alimentaires en forces de changement. Ils ont raconté des histoires de réussite sur lobbying local. 

Comme de nombreux participants nous l’ont dit par la suite, leur temps ensemble a eu un grand impact. Renforcés, les participants sont retournés dans leurs communautés. Ils ont ramené de nouvelles idées et des liens plus profonds, suscités par des conversations qui comptent. 

« [Le sommet était] une excellente synthèse de tout ce que j’aime dans le fait de faire partie d’un Centre communautaire d’alimentation et de ce mouvement. Des gens formidables, une communauté engagée, des approches intelligentes de résolution de problèmes associées à de l’attention et de l’amour. »
— Participant au Sommet alimentaire 2022